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Trop couteux, trop de retards, le programme des FFG 62 Constellation est annulé

Actualité générale de l'Alliance Navale

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09/12/2025

Le 29 mai 2024, l’U.S. Government Accountability Office, équivalent de la Cour des comptes française, publiait un rapport accusant l’U.S. Navy d’avoir fortement contribué au retard du programme FFG 62 Constellation. Le couperet est tombé le 25 novembre 2025 lorsque le Secrétaire à la Marine a annoncé sur X un « changement stratégique » et l’arrêt du programme, rappelant que, « dès le premier jour, j'ai été clair : je ne dépenserai pas un seul dollar si cela ne renforce pas notre état de préparation ou notre capacité à gagner ».

« La nécessité d'accélérer la croissance de la flotte afin de faire face aux menaces de demain » représente selon John C. Phelan un « facteur clé » au cœur de la décision prise par l’Administration Trump. En janvier, sans anticiper une telle décision, le Congressional Budget Office (CBO) observait que le programme, qui devait présenter environ 85 % de similitudes avec celui des frégates européennes multi-missions (FREMM) italiennes, n’en présentait plus que 15 % alors que le tonnage était passé de 7 300 tonnes en 2021 à 7 800 tonnes en 2024, avec une mise en service du Constellation en 2029 « au plus tôt ».

La réalisation du programme avait été confié le 30 avril 2020 au chantier naval Fincantieri Marinette Marine dans le Wisconsin. Jusqu’à la décision du Secretary of the Navy, le format de l’U.S. Navy prévoyait 24 FFG-62 Constellation rejointes à partir de 2036 par 57 small surface combatants supplémentaires, version améliorée Flight II. Les deux premières unités, l’USS Constellation et l’USS Congress, seront achevées tandis que l’avenir reste flou, malgré les paroles rassurantes de John C. Phelan souhaitant maintenir la viabilité des chantiers navals du Wisconsin et du Michigan et préserver une main-d'œuvre « essentielle »

Dès la publication sur les réseaux sociaux de l’annulation du contrat des quatre futures FFG 62, Fincantieri a confirmé avoir conclu avec l’U.S. Navy un « accord important qui prévoit de redéfinir l'avenir du programme de classe Constellation ». Le communiqué affirme que le constructeur italien, présent sur trois continents et propriétaire de dix-huit chantiers navals, « consolide son partenariat stratégique avec la marine américaine, confirmant son rôle d'acteur clé dans la définition de l'avenir de la défense maritime américaine grâce à des capacités industrielles de pointe et des investissements à long terme ».

Les mésaventures de l’U.S. Navy rappellent celles de la marine australienne confronté aux retards considérables dans la livraison de ses frégates de classe Hunter inspirées de la frégate type 26 proposée par BAE Systems (cf. « Un saut dans le vide »). Les ressources humaines constituent un facteur clé, mises en lumière par une présentation confidentielle de mars 2024 préparée à l'intention de hauts responsables du Pentagone, Fincantieri Marinette Marine aurait connu « une perte de main-d'œuvre sans précédent, avec des taux d'attrition élevés », tout en visant le recrutement improbable de 700 personnes supplémentaires.

Interrogé sur les capacités de production de Naval Group, l’amiral Nicolas Vaujour les a qualifiées de « bien réelles », tout en précisant que la livraison d’une frégate par an représentait leur « optimum industriel », permettant de maintenir l’outil de production « à son meilleur niveau d’efficience économique ». S’il n’a pas évoqué le manque de main-d’œuvre qualifiée nécessaire à une accélération des livraisons, ces difficultés avaient été abordées dans un rapport d’information relatif à « l’économie de guerre » regrettant que « l’industrie navale [doive] régulièrement faire appel à des travailleurs détachés venus des pays d’Europe centrale et orientale ».

Ces capacités de production « bien réelles » sont illustrées par la livraison dans un créneau de moins de 18 mois, ouvert le 17 octobre par celle de l’Amiral Ronarc’h, de quatre frégates de défense et d’intervention, le Kimon devant être livré le 18 décembre et ses sister-ships Nearchos et Formion remis à la marine grecque au second semestre 2026. Parmi les 294 réponses au tweet du 25 novembre, un utilisateur du réseau social a partagé une prise de vue du Scorff et de quatre matures : « Don’t show this picture of simultaneous construction of four frigates to the US Navy ».

Malgré la montée en puissance du chantier lorientais, et s’il « ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu'il nous manque trois frégates », les trois amendements visant à porter à 18 frégates de 1er rang le format de la Marine nationale déposés durant l’examen du projet de loi de finances 2026 ont tous été retirés. Si « chacun ici est convaincu de la nécessité de disposer de trois frégates supplémentaires », l’évolution de ce format ne pourra selon Yannick Chenevard intervenir que lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030.

En mai 2005, le ministère de la défense évoquait encore « la perspective de l'acquisition par la France de dix-sept FREMM », un nombre ramené à onze par la LPM 2009-2014 et réduit à huit en 2015 au profit du programme de frégates de taille intermédiaire, plus facilement exportables aux dires des industriels. Pour des raisons évidentes, le programme a évolué sémantiquement vers des frégates de défense et d’intervention (FDI), à l’image de celui des frégates légères furtives (FLF) devenues frégates type La Fayette (FLF).

Alors que l’analyse des raisons de l’abandon du programme FFG 62 engage à anticiper la livraison de trois FDI supplémentaires, ce que propose l’amendement « d’appel » II-DN101, de nombreux députés ouvrent la porte à des solutions différentes, le rapporteur pour avis « marine » observant qu’il incombait « à la marine d’en définir la nature et le tonnage pour que nous puissions y travailler ». En décembre 2024, Nathalie Da Conceicao Carvalho déposait déjà une question écrite interrogeant le gouvernement sur l’augmentation du nombre et de l'armement des frégates, la réponse évoquant une « adéquation avec les besoins militaires et les ressources financières allouées ».

Rompant avec une logique industrielle de promotion des FDI, en Suède, au Portugal ou à l’extérieur de l’espace européen, le rapporteur pour avis a envisagé l’acquisition de FREMM supplémentaires, « des navires bien plus lourds, de plus de 7 000 tonnes ? », une suggestion bien tardive qui remet en cause les choix ayant conduit à l’arrêt de la série de FREMM alors que Fincantieri a lancé la construction du Bersagliere, première des deux FREMM EVO qui rejoindront en 2029 et 2030 les dix FREMM de la Marina Militare.

Les FDI apparaissent comme les candidats naturels pour rejoindre les 6 FREMM.
Bateau le plus moderne de la flotte de surface, les FDI disposent en outre, malgré leur densité, d’une marge d’évolution en termes d’armement. Elles pourraient ainsi accueillir, comme leurs homologues grecques, 32 missiles Aster, en plus d’une capacité renforcée en missiles Mistral et des brouilleurs, ainsi que des drones S100. Naval group aurait par ailleurs la capacité de produire, dans un délai raisonnable, ces trois FDI supplémentaires, à condition toutefois que la décision de les commander soit prise rapidement, afin que de sécuriser les approvisionnements nécessaires, notamment en composants électroniques. Cependant des frégates de plus de 7 000 tonnes présentent nos nombreux avantages comme la polyvalence, ou la possibilité d’effectuer des modifications y compris en armement lourd.


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