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« Une étape supplémentaire […] dans la lutte contre la flotte fantôme »

Actualité générale de l'Alliance Navale

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09/10/2025

S’exprimant devant des journalistes à l’issue du septième sommet de la Communauté politique européenne, le Président français a affirmé vouloir « accroître la pression sur la Russie pour la convaincre de revenir à la table des négociations », évoquant des « politiques d’entrave » visant les bâtiments naviguant sous pavillons « souvent approximatifs » accusés de contribuer par leurs activités à l’effort de guerre russe. Près d’un millier de ces bâtiments sont soupçonnés de permettre à la Russie de contourner les mesures restrictives prises par l’Union européenne.

Celles relatives « aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine » ciblent en particulier la « flotte fantôme » (“dark fleet” ou “shadow fleet”) chargée d'exporter du pétrole russe « en contournant le mécanisme de plafonnement des prix du pétrole ». Le 17ème « train de sanctions » a ainsi doublé le nombre de navires objets d'une interdiction d'accès « aux ports, aux zones d’ancrage et aux écluses » de l’Union européenne et d'une interdiction relative à la fourniture d'un large éventail de services, portant le total des navires répertoriés dans l’annexe XVI à 447, le 18ème « train de sanctions » ayant identifié cent cinq navires supplémentaires.

Parmi ceux-ci figure un pétrolier connu sous plusieurs identités (P FOS, Kiwala, Pushpa, Boracay,…) mais répertorié depuis son lancement en 2007 sous un identifiant unique IMO 9332810[1]. Interrogé sur son déroutement par la Marine nationale, Emmanuel Macron a confirmé que « c'est exactement pour illustrer cette politique » qu’une frégate avait arraisonné le navire au large de l’île d’Ouessant, précisant que les « comportements inappropriés et extrêmement agressifs » de celui-ci avaient justifié « l'ouverture d'une […] action judiciaire ».


L’enquête ouverte le 1er octobre 2025 par le parquet de Brest pour « défaut de justification de la nationalité du navire/pavillon » et « refus d’obtempérer » a dans un premier temps conduit au placement en garde à vue du capitaine et de son second, « tous deux de nationalité chinoise », suivi par l’engagement de poursuites à l’encontre du premier qui sera jugé pour « refus d’obtempérer » par le tribunal de Brest le 23 février 2026.

« Cette opération, fondée sur l’article 110 de la convention ONU de Montego Bay, était motivée par les incohérences présentées par le pétrolier quant à sa nationalité lors de ses échanges avec les autorités maritimes françaises, notamment lors de son transit au large de nos côtes. L’enquête réalisée par la Marine nationale a conclu à une absence de pavillon »


La convention des Nations Unies sur le droit de la mer autorise un navire de guerre à arraisonner en haute mer un navire étranger « s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire […] est sans nationalité ». Bien que les détails de l’opération n’aient pas été communiqués, il semble que le capitaine du Boracay a fait montre de peu de coopération durant cet arraisonnement qui a conduit la frégate à « dépêcher une embarcation, sous le commandement d’un officier, auprès du navire suspect » afin de « procéder à la vérification des titres autorisant le port du pavillon ».

Le même pétrolier alors baptisé Kiwala et arborant un pavillon djiboutien avait déjà été arraisonné et dérouté par la marine estonienne le 11 avril 2025 dans le respect de la convention de Montego Bay. Il ne s’agit donc pas d’un « acte de piraterie », comme l’a caractérisé Vladimir Poutine durant sa participation à une réunion du Valdai International Discussion Club ou encore le représentant permanent de la Russie auprès du Conseil de sécurité des Nations Unis dénonçant les « pirates de la mer Baltique » en se référant à l’arraisonnement du Kiwala.

« Quant à la saisie de navires, comment cela pourrait-il avoir une incidence positive ? Cela s'apparente à de la piraterie. Et que fait-on des pirates ? On les élimine. Comment pourrait-on traiter les pirates autrement ? Cela ne signifie pas qu'une guerre ravagera l'ensemble des océans, mais cela augmenterait bien sûr considérablement le risque d'affrontements »

Le pétrolier dérouté vers Saint-Nazaire avait été soupçonné d’être lié aux incursions de drones au-dessus du territoire danois, une possibilité que le Président français n’excluait pas tout en restant « très prudent » et ne pouvant « établir un lien très clair entre ces deux phénomènes ». Le même 2 octobre 2025, Vladimir Poutine observait que les autorités françaises « cherchaient probablement des cargaisons militaires, notamment des drones ou quelque chose de ce genre » et n’avaient rien trouvé, « car le navire ne transportait pas ce type de marchandises ».

Le parallèle entre l’arraisonnement du Boracay et ses suites judiciaires et le dossier « Eagle S » suscite de nombreuses interrogations sur les limites de l’action de l’Etat en mer. Alors que les autorités finlandaises avaient estimé réunir suffisamment d’éléments pour traduire le commandant de l’Eagle S, un navire également inscrit à l’annexe XVI, devant la justice pour « dégradations criminelles aggravées et entrave aggravée aux communications », celui-ci a été relaxé le 3 octobre 2025, l’État finlandais étant condamné à rembourser les frais de justice des accusés, avoisinant les 200 000 €.

« Ce sont les tribunaux de l’État du pavillon du navire ou de l’État d’origine des prévenus qui ont la compétence pénale en la matière »


La volonté de franchir « une étape supplémentaire […] dans la lutte contre la flotte fantôme » est louable, celle-ci forte de 447 navires nécessite toutefois des moyens que la Marine nationale saura difficilement réunir alors que la dernière cérémonie des couleurs du « patrouilleur de haute mer » Commandant Birot s’est déroulée le 3 octobre 2025. Des 17 avisos héritiers des escorteurs rapides ne restent que trois survivants alors que la « prise d’armement pour essais » du patrouilleur hauturier Trolley de Prévaux date du 1er septembre 2025 et que sa livraison ne devrait pas intervenir avant le début de l’année 2027.


Le « parc horizon 2035 » de la loi de programmation militaire relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ne prévoit que dix patrouilleurs hauturiers. Dans le même temps, les propos du délégué général pour l’armement répondant à des auteurs d’un rapport suggérant un décalage du programme PANG et affirmant que « nous nous inscrivons déjà dans la logique des coques blanches, notamment pour la FDI » peuvent inquiéter sur la date de livraison de l’Amiral Castex alors que le parlement grec a validé l’acquisition d’une quatrième FDI baptisée Themistocles.


[1] Conformément aux règles imposées par l’International Safety Management Code.

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