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Laisser trainer son ancre, la nouvelle menace hybride à la mode

Actualité générale de l'Alliance Navale

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30/06/2025

Le Keskusrikospoliisin finlandais (Bureau National d’Enquête) a conclu le 13 juin 2025 l’enquête criminelle menée à la suite des dommages causés à plusieurs câbles traversant le golfe de Finlande. L’alerte avait été lancée par l’opérateur finlandais Fingrid après l’arrêt de la connexion Estlink 2 constatée le 25 décembre 2024 vers midi. D’une capacité de 650 megawatts, Estlink 2 relie depuis 2014 la Finlande et l’Estonie par un câble de 170 km immergé sur une longueur de 145 km. L'enquête s'était immédiatement concentrée sur le pétrolier Eagle S, battant pavillon des îles Cook, qui était présent sur zone au moment où les câbles ont été endommagés et dont une des ancres était absente de son écubier.

Dès le 26 décembre le pétrolier avait été arraisonné puis dérouté vers les eaux territoriales finlandaises afin de faciliter les investigations. Son ancre manquante avait quant à elle été remontée le 6 janvier 2025, découverte au bout d’un sillon creusé sur des dizaines de nautiques. Sur la base des éléments recueilli sur le navire, de l'examen des fonds marins et des entretiens menés avec l'équipage, trois officiers dont le capitaine du pétrolier sont soupçonnés de « délit aggravé » et d'« interférence aggravée avec les télécommunications ». L'enquête criminelle a examiné et évalué, entre autres, l'étendue de leur responsabilité dans l'état du navire et la mesure dans laquelle ils auraient dû observer la chute de l'ancre dans la mer.

Quelques semaines avant la rupture du câble Estlink 2, un vraquier chinois, le Yi-Peng 3, avait déjà été mis en cause après les dommages occasionnés successivement à un câble reliant la Lituanie à l’île suédoise de Gotland puis au câble C-Lion 1 permettant les communications entre la Finlande et l’Allemagne. Ce câble a probablement été à nouveau sectionné par l’Eagle S, l’opérateur Cinia ayant signalé une coupure le 25 décembre 2024 à 18h44 dans le sud-est de Porkkalanniemi, à une soixantaine de kilomètres d’Helsinski.


« Nous sommes profondément préoccupés par la rupture du câble sous-marin reliant la Finlande et l'Allemagne dans la mer Baltique. Le fait qu'un tel incident suscite immédiatement des soupçons de dommages intentionnels en dit long sur la volatilité de notre époque. Une enquête approfondie est en cours. Notre sécurité européenne n'est pas seulement menacée par la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine, mais aussi par la guerre hybride menée par des acteurs malveillants. La sauvegarde de nos infrastructures critiques communes est vitale pour notre sécurité et la résilience de nos sociétés » - communiqué conjoint des ministres allemand et finlandais des affaires étrangères, 18 novembre 2024.

Auditionné le 21 mai 2025 dans le cadre du cycle « espaces maritimes et enjeux de défense », le vice-amiral Emmanuel Slaars est revenu sur la présence désormais régulière de la Marine nationale en mer Baltique, qui fait suite aux actions menées contre des câbles sous-marins dans la région, qu’il s’agisse de câbles de transfert de données ou d’alimentation électrique. La France compte parmi les nations non riveraines les plus engagées au sein de l’Otan dans le cadre de l’opération Baltic Sentry, lancée le 14 janvier 2025 par l’Otan afin de surveiller la mer Baltique, principalement pour protéger les infrastructures critiques telles que les câbles numériques et électriques sous-marins ou les gazoducs.

Le sous-chef d’état-major en charge des opérations aéronavales a insisté sur la criticité des câbles d’alimentation électrique, « car leur rupture pourrait entraîner des déstabilisations de réseaux et potentiellement des black-out à grande échelle ». Le 7 mai 2025, madame Caroline Krajka, sous‑directrice du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles, au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avait déjà insisté devant les députés sur la sécurisation des câbles de télécommunication, dont une trentaine atterrissent sur le territoire métropolitain, mais également électriques, qui « permettent l’intégration des marchés de l’électricité des États, renforcent la sécurité d’approvisionnement et acheminent les énergies renouvelables en mer vers le rivage ».

« Les dommages aux infrastructures sous-marines critiques sont devenus si fréquents qu'il est difficile de croire qu'il s'agit d'un accident ou d'une simple erreur de navigation. Nous devons comprendre que les dommages aux infrastructures sous-marines sont devenus plus systématiques et doivent donc être considérés comme des attaques contre nos structures vitales » - Margus Tsahkna, ministre estonien des affaires étrangères, 26 décembre 2024.

L'enquête sur l’Eagle S a également mis en lumière l’utilisation par la Russie de ce que les Occidentaux nomment la « flotte fantôme » qui « constitue une menace particulière pour la sécurité maritime et environnementale dans la région de la mer Baltique et dans le monde […]et contribue de manière significative au financement de la guerre d'agression illégale de la Russie contre l'Ukraine » - Déclaration conjointe du Sommet des Alliés de l'OTAN riverains de la mer Baltique, 14 janvier 2025. Le pétrolier a ainsi été ajouté le 20 mai 2025 par l’Union européenne à la très longue liste des navires « qui transportent du pétrole brut ou des produits pétroliers originaires de Russie ou exportés de Russie, tout en s’adonnant à des pratiques de transport maritime irrégulières et à haut risque au sens de la résolution A.1192(33) de l’Assemblée générale de l’Organisation maritime internationale ».

Ces probables sabotages permettent également d’illustrer les propos tenus par l’amiral Nicolas Vaujour devant les députés le 21 mai 2025 qui rappelait que « la France détient ou opère 30 % de la flotte mondiale de câbliers, un atout stratégique majeur ». Le câble C-Lion 1 avait été posé par Alcatel Submarine Networks en 2015, une entreprise passée sous le contrôle de Nokia puis nationalisée en novembre 2024 suite aux négociations annoncées le 27 juin 2024. Et c’est de Calais que le Cable Vigilance géré par Louis Dreyfus Armateurs avait appareillé le 21 novembre 2024 pour réparer le câble endommagé.

« Si le ministère des Armées se dote aujourd'hui d'une stratégie de maîtrise des fonds marins, c'est pour […] contribuer à assurer la protection des installations stratégiques sous-marines. Il s'agit de la protection de nos intérêts. Nous devons être en mesure de renforcer la protection et la sécurité des câbles de communication qui alimentent la métropole et l'outre-mer, mais aussi les infrastructures de transport d'énergie ou encore des ressources potentielles qui sont situées dans les fonds de notre zone économique exclusive » - Florence Parly, 14 février 2022.

Épilogue

Estlink 2 a été remis en service le 20 juin 2025, l’Eagle S était le 28 juin 2025 localisé au mouillage au large de Port-Saïd, aucun nouveau sabotage n'a été signalé.

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