Décalage sans rupture capacitaire et sans surcoût majeur du programme PANG ?
En conclusion des travaux d'une mission d'information sur « Masse et haute technologie : quels équilibres pour les équipements militaires français ? », les députésThomas Gassiloud et Damien Girard ont présenté un rapport d'information accompagné de 29 propositions dont une peut inquiéter sur le maintien d'une capacité aéronavale, "un choix coûteux, autour de 10 Mds €, qui a suscité des débats". Le député Ensemble pour la République suggère en effet d'étudier la possibilité d’un décalage du programme de porte-avions nouvelle génération (PANG), une idée que ne soutient pas le député lorientais.
Tout en affirmant la primauté de la dissuasion nucléaire, "clef de voûte de notre défense [qui] protège nos intérêts vitaux", les députés n'écartent plus l'hypothèse d'un "engagement conventionnel majeur" dans un contexte d’intensification de la menace russe sur le flanc est de l’Europe et des tensions au Proche-Orient et dans la zone Indopacifique. Oubliant probablement que seuls les bâtiments de la Marine nationale ont été récemment confrontés à des attaques d'ampleur, les députés prédisent "que l’armée de Terre est celle qui serait la plus engagée dans une guerre d’attrition".
Les rapporteurs militent pour une "transformation radicale de notre modèle d'armée", selon les trois axes "faire autrement", "faire mieux" et "faire avec". Citant sans surprise le conflit russo-ukrainien mais également les accrochages entre forces indiennes et pakistanaises, les députés veulent réhabiliter la "masse", importante pour "durer sur le champ de bataille, encaisser les chocs et générer des effets". Leur pari selon lequel ces confrontations de masse concerneront le milieu terrestre, les milieux maritime et aérien ayant été épargnés depuis le début du XXIe siècle interroge.
Le Président de la République a encore rappelé le 8 juin 2025 que la France constitue la deuxième puissance maritime mondiale. A l'occasion de la réouverture du musée national de la Marine, il avait déjà souligné l'importance de l'espace maritime pour la France. Le 25 mai 2025, le Premier ministre s'inquiétait que notre souveraineté maritime soit "remise en question dans de nombreux endroits du globe". Le rapport d'information souligne l'intensification des "menaces sous le seuil", celles-ci viseront plus facilement les voies d'approvisionnement que le territoire national ou des forces stationnées dans un État membre de l'Alliance ou de l'Union européenne.
Constatant avec amertume les conséquences des "dividendes de la paix", les rapporteurs notent en particulier que la Marine nationale, "dont le format découle du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, dispose d’un volume limité pour couvrir l’ensemble de l’espace maritime français et assurer des engagements supplémentaires". Malheureusement, là où Thomas Gassilloud identifie un "gisement d'économies" en proposant un décalage de quelques années de la réalisation du programme PANG, Damien Girard plutôt que de s'y opposer identifie "une opportunité pour permettre la construction de deux PANG susceptibles d’être européanisés dans le cadre d’une escadre européenne interopérable au service de l’autonomie stratégique européenne".
"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien"

En contrepartie, les rapporteurs, constatant le déficit capacitaire en terme de frégates de 1er rang, proposent de "restaurer le format de référence à 18 bâtiments", sans pour autant une seule seconde montrer la moindre envie de rejoindre un jour ce format. La logique de "coques blanches" présentée dans le rapport implique que la priorité sera toujours donnée à l'exportation, ce que la Marine nationale a déjà connue pour le programme des frégates de défense et d'intervention. Le 29 mars 2021, Florence Parly avait déjà annoncé la livraison "accélérée" des frégates Amiral Louzeau et Amiral Castex, "parce que nous avons conscience des menaces qui grandissent en mer". Quelques semaines plus tard, la Grèce annonçait la signature d'un contrat d'acquisition de FDI, mettant un terme à cette accélération opportune.
Le 3 décembre 2024, la députée de l'Essonne Nathalie Da Conceicao Carvalho interrogeait le ministre des armées sur l'augmentation du nombre et de l’armement des frégates, proposant déjà de passer de cinq à huit le nombre de FDI commandées "en les portant toutes au standard grec mieux armé". La réponse publiée le 1er avril 2025, un choix malheureux, s'achevait par le constat que, "face à l'évolution du contexte international et à la demande du Président de la République, le ministère conduit actuellement un travail d'évaluation et de chiffrage de l'accélération de notre réarmement et du renforcement de nos capacités. La trame de nos frégates en fait évidemment partie". Le cinquième FDI ne sera livrée que dans sept années, il faudra "faire avec" et peut-être "faire sans".

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