Lutter contre la piraterie, avec quels moyens ?

Le 11 avril 2008, une semaine après avoir été abordé par une douzaine de pirates somaliens, le voilier français Ponant était pris d’assaut par les membres du commando Hubert et une équipe du GIGN. Le succès de l’opération Thalatine avait été permis par la présence sur zone de trois bâtiments de la Marine nationale rejoints opportunément par le porte-hélicoptère Jeanne d’Arc et sa conserve. Alors que l’actualité récente est marquée par une recrudescence des actes de piraterie au large de la Somalie, il est peu probable que le format de la Marine nationale permettre de renouveler un tel exploit.

La même année, quatre mois après l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 1816 engageant « les États dont les navires de guerre et les aéronefs militaires opèrent en haute mer au large des côtes somaliennes […] à faire preuve de vigilance à l’égard des actes de piraterie et des vols à main armée », le Conseil européen engageait le 10 novembre 2008 une opération militaire « en vue d’une contribution à la sûreté maritime dans l’ouest de l’océan Indien et en mer Rouge » baptisée EUNAVFOR ATALANTA.

Depuis le 29 mars 2019, l'état-major de cette opération qui contribue en particulier « à la prévention et à la répression des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de la Somalie » est établi à Rota, à l'exception du Maritime Security Centre Indian Ocean (MSCIO), colocalisé avec le MICA Center (Maritime Information Cooperation & Awareness Center) français. L’un comme l’autre ont récemment publié des alertes relatives aux activités d’un Pirate Action Group (PAG) articulé autour de l’Issamohahmadi, un dhow iranien sous contrôle de pirates somaliens.

Entre le 2 et le 6 novembre 2025, quatre navires ont en effet reporté des tentatives d’abordage au large de Mogadiscio, dissuadés pour trois d’entre elles par les tirs de sommation des équipes de sécurité embarquées (Private Armed Security Teams – PAST) et les manœuvres évasives recommandées par les Best Management Practices. Ces « bonnes pratiques » incluent la mise en place de « citadelles », ce qui a permis à l’équipage du Hellas Aphrodite d’éviter d’être pris en otage le 6 novembre lorsque les pirates ont réussi à monter à bord du pétrolier navigant sous pavillon maltais.

Moins d’une semaine après l’abordage, l’Union européenne s’est félicitée du démantèlement définitif du PAG, le dhow iranien ayant été abandonné par les pirates et son équipage sécurisé le 11 novembre 2025 alors que les pirates avaient évacué le Hellas Aphrodite dès le 7 novembre après un show of force de la frégate espagnole Victoria. Celle-ci était appuyée dans sa mission, non par un Atlantic français mais par un P-3C japonais déployé au sein de la Combined Task Force 151 dans le cadre de l’opération Mare Liberum V.

Les communiqués de l’Union européenne mentionnent également la présence d’un bâtiment indien sans préciser son identité. Le 16 mars 2024, la marine indienne s’était déjà illustrée par la réussite d’une opération complexe ayant conduit à la neutralisation de 35 pirates et à la libération des 17 membres d’équipage du vraquier maltais Ruen. La Chine s’affiche également dans ce domaine, la 48^ème Escort Task Force composée des frégates Tangshan et Daqing ayant quitté Quingdao le 11 octobre 2025 en direction du golfe d’Aden et des côtes somaliennes.

Alors que la France est devenue le 11 novembre 2025 le 19^ème État signataire de l’amendement de Djeddah au code de conduite de Djibouti, œuvrant ainsi au renforcement de la sûreté maritime régionale dans l'océan Indien occidental et le golfe d'Aden, les débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2026 interrogent sur sa capacité à assurer ses engagements. Ainsi, examinant les crédits « protection et sauvegarde », le rapporteur souligne que le déficit en patrouilleurs « reste prégnant » et ne se résorbera qu’en 2032, « avec un trou capacitaire à son maximum en 2027 ».

Yannick Chenevard, rapporteur « Marine », exprime quant à lui « une grande inquiétude » sur le déroulement de plusieurs programmes dont celui des patrouilleurs hauturiers alors que les quelques survivants du programme A69 ne peuvent plus « assurer correctement des missions qui en font l’un des rouages essentiels de la Marine ». Une première tranche de sept unités a bien été commandée le 17 novembre 2023 mais selon le rapporteur le contrat ne comporte « aucune option pour trois exemplaires supplémentaires » alors que ces PH remplacent 17 avisos et 7 patrouilleurs de service public.

Si la Marine nationale a déserté provisoirement les côtes somaliennes, elle reste présente dans le golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe, lancée en 1990 alors que l’exploitation pétrolière au large des côtes angolaises nécessitait d’être sécurisée. La mission s’inscrit désormais dans le cadre du concept de présences maritimes coordonnées porté par l’Union européenne, les moyens déployés apportant le soutien de la France à ses partenaires africains dans le cadre d’opérations de lutte contre les activités illicites telles que le narcotrafic, la pêche Illicite, non déclarée et non règlementée ou la piraterie.

Confirmant la persistance de cette dernière malgré « une menace qui s’est littéralement effondrée » depuis 2021, le MICA Center, le centre français d'expertise et de suivi de la sécurité maritime, informait le 8 novembre 2025 de l’abordage d’un bâtiment navigant sous pavillon néerlandais, identifié comme l’UAL Africa, au large des côtes de la Guinée équatoriale. Comme en Océan indien, le repli de l’équipage dans la « citadelle » a donné le temps à un bâtiment camerounais d’intervenir et de mettre en fuite les pirates.

Les rebelles houthistes auraient décider de mettre un terme définitif aux attaques contre le trafic maritime en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. Cette heureuse nouvelle, si elle est confirmée, permettra à l’Union européenne de redéployer les moyens consacrés à l’opération EUNAVFOR ASPIDES et à la Marine nationale de retrouver la Une de l’actualité en contribuant à la lutte contre la piraterie.