Retour aux actualités
Article précédent

Galileo, le plus précis et le moins connu des GNSS

Actualité générale de l'Alliance Navale

-

12/09/2025

Le 25 mars 2025, trois agences des Nations unies appelaient à protéger contre les interférences les systèmes mondiaux de navigation par satellite (Global Navigation Satellite Systems - GNSS), des systèmes fournissant des services Position, Navigation and Timing (PNT) devenus « essentiels à notre sécurité sur terre, en mer et dans les airs ». La mésaventure subie par la présidente de la Commission européenne le 31 août 2025 a permis de concrétiser cet appel, l’avion à bord duquel elle voyageait ayant éprouvé des difficultés à se poser en raison d’un « brouillage GPS » .


"Serious threats to aviation and maritime transport from Global Navigation Satellite System interference: urgent need to build resilience against spoofing and jamming" - Andrius Kubilius, commissaire européen à la défense et à l’espace.


Très peu des médias ayant rapporté l’évènement se sont interrogés sur l’ironie d’une situation où la sécurité d’une responsable de l’Union européenne dépend d’un système originaire des États-Unis alors que le concurrent européen Galileo qui « revêt une importance stratégique pour l’indépendance de l’Union en termes de services de radionavigation, de localisation et de synchronisation par satellite » n’est jamais cité. Derrière la phrase « que dit mon GPS ? » que chacun entend probablement une ou plusieurs fois par jour se cache un combat de souveraineté que l’Union européenne peine à gagner, tellement Galileo et sa petite trentaine de satellites sont inconnus du public européen, alors que plus de 4 milliards de smartphones exploitent leurs signaux.

Copie d'écran de l'application Statut GNSS

Un rapport d’information déposé le 14 mai 2025 en conclusion des travaux d'une mission d'information flash sur les satellites confirme ce décalage entre des discours vantant l’autonomie stratégique européenne et la réalité vécue par les militaires, le déploiement de récepteurs bi-constellations « pour permettre aux armées d’utiliser le réseau Galileo PRS », un service crypté conçu pour assurer la continuité des services gouvernementaux, étant placé au premier rang des 58 propositions. Les rares informations relatives au programme OMEGA (Opération de modernisation des équipements GNSS des armées) se sont pas plus rassurantes, la DGA semblant se féliciter du projet P3TS (Plug and Play Positioning and Timing System) « ayant la capacité de recueillir les signaux de géolocalisation par satellite des constellations GPS et GALILEO pour en déduire une position et distribuer une information de synchronisation temporelle précises ».


 « Face au constat que les armées françaises n’utilisaient que des GPS militaires américains et sachant que la constellation GALILEO entrait en fonctionnement, j’ai sollicité un camarade ingénieur en électronique de la DGA pour concevoir un récepteur multi-constellations à coûts maîtrisés qui soulagerait la flotte de GPS militaires, notamment à l’entrainement en métropole. Quelques mois plus tard, les deux premiers prototypes fonctionnaient. » Colonel Nicolas de la Section technique de l’armée de Terre, innovateur du projet P3TS.


La navigation par satellite repose sur un réseau mondial de satellites qui transmettent des signaux radio depuis une orbite terrestre moyenne. Ses utilisateurs connaissent surtout le Global Positioning System (GPS) développé et exploité par les États-Unis alors que trois autres constellations, GLONASS, Galileo et BeiDou, fournissent des services similaires. Au sein du bureau des Nations Unies pour les affaires spatiales (United Nations Office for Outer Space Affairs – UNOOSA), un comité international est plus particulièrement dédié à la « Géolocalisation et à la Navigation par un Système de Satellites ». A ce titre, il promeut l’interopérabilité des GNSS afin d’offrir « de meilleures capacités au niveau de l'utilisateur que celles qui seraient obtenues en s'appuyant uniquement sur les signaux ouverts d'un seul système », et plus concrètement de permettre à l’équipement terminal d'exploiter les signaux de navigation disponibles de différents GNSS et de produire une solution combinée, donc une meilleure précision et une plus grande disponibilité.

Bien que la norme internationale de référence des coordonnées civiles soit l’International Terrestrial Reference Frame, chaque GNSS possède son propre système géodésique de référence. Deux GNSS sont dits interopérables du point de vue géodésique si la différence entre les systèmes est inférieure à la précision cible. Par exemple, le GPS se réfère au système WGS84 tandis que Galileo utilise un système propre baptisé Galileo Terrestrial Reference Frame, mais l’écart moyen est inférieur à 3 cm. La norme internationale impose en revanche comme temps de référence l’Universal Time Coordinated / Atomic Time. L’écart de temps entre les systèmes Galileo et GPS est de l'ordre de la nanoseconde, mais la précision attendue par les utilisateurs nécessite de Galileo la diffusion d’informations supplémentaires, dont le « Galileo to GPS Time Offset », un des multiples messages adressés.

Le 21 octobre 2011, l'Europe franchissait une étape majeure de son histoire spatiale en lançant depuis Kourou, en Guyane française, les deux premiers satellites Galileo, « un système mondial de navigation par satellite civil autonome sous contrôle civil, qui comprend une constellation de satellites, des centres et un réseau mondial de stations au sol, qui offre des services de positionnement, de navigation et de mesure du temps et intègre les besoins et les exigences en matière de sécurité », selon les termes du règlement 2021/696 établissant le programme spatial de l’Union et l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial. Avec une précision record de 20 cm, Galileo est le GNSS le plus performant au monde, la constellation de 26 satellites opérationnels, en orbite autour de la Terre à une altitude d'environ 23 000 km, étant soutenue par une série de stations terrestres réparties à travers le monde. Depuis décembre 2016, le système n'a cessé de se renforcer pour devenir l'épine dorsale d'une série de services à valeur ajoutée destinés à garantir « l'autonomie et la souveraineté de l'Union ».

Où l'on confirme l'importance des territoires d'outremer...

Au fil des ans, le système européen a connu une série de percées technologiques, de la mise en œuvre du système eCall dans les voitures nouvellement produites à la « voie retour » (Return Link Service – RLS), une fonctionnalité révolutionnaire du Search and Rescue Service proposé par Galileo qui permet aux marins en détresse, munis de la balise appropriée, d’avoir dans les quinze minutes suivant le déclenchement de la balise la confirmation que leur position a été diffusée et que le signal a été reçu par les équipes d’intervention. La première balise dotée de cette capacité de « voie retour » a été développée par la société Orolia Maritime, dirigée par Jean-Yves Courtois, un ancien ingénieur de l’armement, une société rachetée par Safran en juillet 2022.

Le « service d’authentification des signaux » (Open Service Navigation Message Authentication), accessible à tous les utilisateurs de Galileo depuis juillet 2025, contribue quant à lui à la détection des attaques. Ce service propose un mécanisme d'authentification qui permet aux récepteurs GNSS de vérifier l'authenticité des informations, en s'assurant que les données reçues proviennent bien de Galileo et n'ont pas été modifiées de quelque manière que ce soit. Il permet de lutter contre le spoofing, la falsification des signaux à partir d’un émetteur radio qui génère de faux signaux GNSS et « transporte » au milieu de l’océan l'utilisateur du smartphone qui escalade une montagne.

Les forces armées françaises et plus particulièrement la Marine nationale sont devenues de plus en plus dépendantes des systèmes satellitaires au point qu’une nouvelle catégorie d’exercices intitulée Back to the 80’s a vu le jour et permet de redécouvrir les joies du sextant et des liaisons HF. L’exactitude des informations de navigation et leur distribution en temps réel sont primordiales pour assurer l’ensemble des missions d’un bâtiment, confirmant l’urgence du déploiement du « service public réglementé » (Public Regulated Service) évoqué par les députés Arnaud Saint-Martin et Corinne Vignon. Les modalités d’accès à ce service de navigation crypté, « réservé aux utilisateurs autorisés par les gouvernements, pour les applications sensibles qui exigent un contrôle d’accès efficace et un niveau élevé de continuité du service », sont encadrées par une décision datant de plus de dix ans.


“Now more than ever, providing an encrypted and secure Positioning, Navigation and Timing service is critical for our governmental users and is a real game-changer in modern warfare. That is why by the end of this year Galileo will feature a Public Regulated Service, with encrypted navigation signals to protect the signals for government entities. Far more robust than the standard open satellite navigation signals” - Andrius Kubilius, commissaire européen à la défense et à l’espace.


Les timoniers des années 80 tenaient un cahier de navigation comparant la position estimée à celle fournie par la centrale de navigation inertielle et à celle déduite de la hauteur des astres afin de permettre au pacha d’adopter LA position. La technologie liée aux centrales de navigation a évolué vers plus de fiabilité et de précision, Thales et CS GROUP, spécialiste des systèmes critiques intelligents cyberprotégés, ayant annoncé en 2021 la signature d’un partenariat visant à proposer un système de navigation complet au profit des bâtiments de surface destiné à assurer les fonctions de pointage, de gyrocompas, de localisation et de navigation de haute précision. Au cœur de ce système, la centrale inertielle de Thales TopAxyz couplée au calculateur de navigation temps réel NDDS (Navigation Data Distribution System) de CS GROUP, permet « une approche disruptive » de la navigation maritime « alliant haute performance et résilience dans un environnement de guerre électronique ».

Quant à la présidente de la Commission européenne, peut-être serait-il prudent qu’elle équipe son avion du viseur d’étoiles diurne Astradia développé par Sodern.

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Actualité générale de l'Alliance Navale

ADOSOM - offres 2025

LJ

Luc JOUVENCE

10 septembre

Actualité générale de l'Alliance Navale

« Le Grand Nord redevient un théâtre d'influence, d'interférence, de contestation entre puissances »

photo de profil d'un membre

Alain CHRISTIENNE

03 septembre

Actualité générale de l'Alliance Navale

« Un saut dans le vide »

photo de profil d'un membre

Alain CHRISTIENNE

24 août