« Le drone amène la désinhibition sur l’ouverture du feu »
Le 3 septembre 2025, l’amiral Nicolas Vaujour s’est entretenu avec les membres de l’Association des Journalistes de Défense sur les grands enjeux géostratégiques et maritimes. Au palmarès des mots les plus utilisés, le drone arrive largement en tête avec plus de quatre-vingts occurrences, pour une trentaine au bénéfice du porte-avions ou de la frégate, soulignant l’importance prise par les unmanned vehicles dans le combat naval moderne.
L’actualité récente a mis en exergue les drones aériens capables de désorganiser les flux aériens civils, la menace exercée par les drones de surface suicides (Kamikaze Unmanned Surface Vehicles) reste tout aussi prégnante, ciblant le trafic maritime international, les forces navales et les ports civils comme militaires.
Le 30 janvier 2017, la frégate saoudienne Al Madinah fut victime d’une vedette télécommandée au large des côtes yéménites, première utilisation avérée d’un drone naval dans le cadre d’une mission « kamikaze ». Cinq années plus tard, la mer Noire devenait elle aussi un espace d’emploi massif des drones de surface, illustrant leur efficacité dans la stratégie de « déni d’accès » ayant conduit la flotte russe à quitter la proximité des côtes ukrainiennes.
C’est depuis cette année 2022 que la Marine nationale organise des exercices Wildfire, destinés à la préparation des équipages aux conflits de haute intensité et plus particulièrement à la lutte anti-drones. Organisée par la division entraînement de la force d’action navale, la cinquième édition s’est déroulée au large des îles du Levant du 29 septembre au 3 octobre 2025 avec la collaboration de DGA Essais de missiles, cinq frégates étant confrontées aux attaques « coordonnées et saturantes » de dizaines de drones de surface, aérien et sous-marins.
La menace de surface était représentée par 21 semi-rigides télécommandés d’une longueur de 4,30 m et d’une vitesse maximale de 30 nœuds, des caractéristiques très éloignées de celles des plus récents Kamikaze Unmanned Surface Vehicle – KUSV proposés par l’industriel turc Aselsan, l’Albatros, pouvant atteindre 45 nœuds (selon la brochure commerciale) et transporter une charge explosive de 250 kg. Les forces armées ukrainiennes ont également mis en œuvre des KUSV baptisés MAGURA (Maritime Autonomous Guard Unmanned Robotic Apparatus) qui revendiquent à leur tableau de chasse de nombreux navires russes dont le collecteur de renseignement Ivan Khurs.
Pour concevoir la cuirasse, il est nécessaire de maitriser la technologie de l’obus. Malheureusement, les solutions proposées par Sirehna, une filiale de Naval Group spécialisée « dans le contrôle de la dynamique des plates-formes navales » ne comportent pas de KUSV, les SEAQUEST® S « capables d’opérer seuls, en essaims et […] nativement embarquables sur bâtiment de surface » étant destinés à la surveillance maritime. La société Seair, entreprise lorientaise spécialisée dans les embarcations à foils, a bénéficié des conseils du CA2 François Rebour pour développer une offre qui ne comporte pas de KUSV mais dont les plateformes « équipées de foils rétractables et asservis, avec ou sans équipage » pourraient défier les équipages des prochaines éditions de Wildfire permettant de vérifier la capacité des bâtiments et des bases navales à se protéger d’une menace asymétrique sinon hybride qui pèse de plus en plus sur « l’Occident global » tel que le décrivent les défenseurs chinois ou russes d’un « Sud global ».
Nos anciens ont connu les filets anti-torpilles barrant l’accès aux bases navales en métropole et outremer. La Russie a dévoilé en septembre 2025 les premiers essais d’un système de barrière maritime modulaire baptisé « Aurelia », destiné à neutraliser physiquement les drones de surface en bloquant leurs hélices. Interrogé sur l’émergence de la puissance navale turque, le Chef d’état-major de la marine a débuté sa réponse par un constat admiratif, « ils sont forts ». Riche du retour d’expérience, la Marine nationale a imposé le retour du « mur d’acier » qui permet aux bâtiments d’affronter les nouvelles menaces hybrides/asymétriques, il est désormais utile de s’interroger sur la protection des bases navales et sur le remplacement des affuts de 57 mm qui il y a une quarantaine d’années protégeaient encore une base située au sud de la rade de Brest.

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